Des platanes marseillais de la Canebière aux cocréations avec Ander Fernandez, c’est un peu l’étonnante odyssée artistique de Corine Cella, directrice artistique et fondatrice de la compagnie, et de ses rencontres, que les 20 ans de la compagnie Rouge Elea, désormais solidement ancrée à Hendaye, célèbrent samedi 2 décembre à Boderline Fabrika. Avec en toile de fond, une relation presque intime avec la nature, via les arbres en particulier.
« Avec une très grande échelle »
Les débuts de la compagnie remontent à la création du spectacle « Calao », de septembre 2002 à juin 2003. Corine Cella l’élabore entre Bruxelles, où une petite structure l’aide dans son projet, et Marseille, où elle s’est initiée au cirque sur le tard, à 22 ans. « Notre professeure de trapèze nous disait : ‘Moi je rêve qu’à Marseille, un jour, dans tous les arbres il y ait des trapézistes’, se souvient-elle. On l’a prise au mot et on a passé tout un printemps à nous déplacer dans Marseille avec une très grande échelle, on s’installait dans des platanes sur la Canebière ou dans de petites places. »
La jeune artiste s’épanouit dans le cirque aérien et danse dans les arbres avec « Calao », accompagnée de divers musiciens, de festival en festival. C’est à cette époque qu’elle baptise la compagnie, d’abord Elea, sur une inspiration précipitée par la nécessité de trouver un nom pour le programme du festival d’Aurillac, avant d’ajouter « le mot rouge parce que c’est l’intensité de ce que je suis en train de vivre, qui était assez sensationnel et exceptionnel ».
Nouveaux horizons
En 2007, elle se produit dans un festival de Donostia. « J’ai rencontré Ander Fernandez Jauregui, qui m’a accompagné sur des lumières », raconte Corine Fernandez Jauregui, qui m’a accompagné sur des lumières », raconte Corine Cella. Elle ne se doute pas à l’époque que l’avenir de la compagnie Rouge Elea va désormais se dessiner sous de nouveaux horizons, avec un premier projet. « En 2010, on a décidé avec Zazpi T’erdi, une production de cinéma, et Ander Fernandez, de faire un spectacle qui s’appelait ‘Biutz’ (nom d’un passage de la barrière de Ceuta) sur les frontières, et on est allé à Ceuta. Cela a été la première collaboration avec les équipes artistiques d’ici [NDLR : du Pays Basque]. Et aussi le moment où on a commencé à faire des spectacles un peu documentaires, basés sur le réel, l’envie de mener une enquête de terrain qui précède la création. »
Suivent, entre autres, « Ronde » en 2012 avec l’artiste trapéziste iruñear, Maitane Azpiroz, « Conversation avec un arbre » en 2017, avec la volonté d’« amener le public à avoir une réflexion sur la planète sur laquelle on vit, de transmettre par le biais de l’art des choses plus sensibles et plus fines ». Le prochain spectacle, attendu en 2025 en collaboration avec l’artiste et dramaturge Espe Lopez, sera dans une démarche similaire, avec un processus de création désormais bien rodé. « J’initie chaque projet. Ander arrive assez vite avec ses réflexions, son écriture et sa musique. Nous sommes au centre et on a pas mal de collaborateurs fidèles qui traversent les créations depuis une quinzaine d’années, certains depuis 20 ans. »
En euskara et en français
Ainsi comme un symbole, samedi 2 décembre, deux temps forts marqueront le 20e anniversaire de la compagnie. À 17 heures, Corine Cella et Ander Fernandez se produiront avec « On n’est pas là / Ez gaude hemen », tandis qu’une carte blanche sera laissée aux amis de la compagnie à partir de 18h30. « Une dizaine d’artistes viennent du Pays Basque et d’autres de Marseille. Il y a des musiciens, des circassiens, des danseurs, des vidéastes, une marionnettiste, et un auteur. » Le premier spectacle, issu d’une récente représentation inédite dans un festival près de Toulouse, proposera de « questionner la vie, l’insignifiance ou pas de ce qu’on laisse ». Avec une contrainte de langue qu’il a fallu surmonter. « On a un public qui est non bascophone et un public qui est non francophone, donc on va faire un truc un peu acrobatique comme on aime bien les faire, promet Corine Cella, sans toutefois divulguer totalement l’artifice. Il y a une partie avec une conversation téléphonique où je ne suis pas là, et on demande à notre public bascophone téléphonique où je ne suis pas là, et on demande à notre public bascophone de venir avec un casque audio et leur téléphone, ils auront une petite surprise. »
Car se produire en langue basque est un enjeu pour la compagnie, qui s’est définitivement ancrée à Hendaye en 2014. « Chaque création est tissée autour de l’euskara et du français. Quand on joue en Iparralde et qu’on nous demande de jouer en français, on essaie d’insister un peu : ‘vraiment ce n’est pas possible de jouer ou en bilingue ou de faire les deux versions ?’. On essaie de pousser un peu à cela. » Autre marqueur de son fort ancrage territorial, la journée anniversaire se déroule à Borderline Fabrika, lieu culturel alternatif dont Rouge Elea est à l’initiative du projet, abouti en 2021. « Quand on est une compagnie et qu’on est tout le temps en tournée, on se demande : ‘Comment on agit dans l’endroit où l’on vit ?’. Borderline a été de ces projets complètement fous au départ, qui marquent aussi un fort désir de mettre des racines, de faire des choses qui ont un sens profond. »
L’évènement est gratuit et ouvert à tous.